Que lisez-vous en ce moment ?

Première lecture.

François a écrit:

Jean-Pierre Poccioni a écrit:

Pour tous ceux qui considèrent que le roman de Döblin Berlin Alexanderplatz est un des chefs d'oeuvres de la littérature occidentale et l'avaient lu dans la traduction de Zoya Motchane, je conseille fortement celle d'Olivier Le Lay chez Gallimard ( et Folio poche)

Ce livre sera très probablement une de mes prochaines lectures.

J'ai mis un peu de temps à me procurer l'ouvrage mais c'est enfin chose faite. J'ai commencé hier cette brique de 600 pages écrite en petites caractères. Me connaissant il me faudra quelques semaines pour en venir à bout mais je peux déjà dire que les 50 premières pages ne m'ont pas déplu.

D'après ce que j'en ai lu et entendu, si ce livre m'emballe je serai mûr pour m'attaquer à L'Ulysse de Joyce !

Tu es certainement mûr - pourquoi pas?- pour aborder l'Ulysse mais le rapport entre les deux textes m'échappe quelque peu ! A moins qu'il ne s'agisse du fait de mettre une ville au centre d'un texte...

C'est notamment à cause d'une phrase que j'ai lue sur Wikipédia :

"Berlin Alexanderplatz rappelle Ulysse de James Joyce, Döblin ayant d'ailleurs réécrit son livre après avoir lu l'œuvre de l'Irlandais."

Mais d'autres commentaires que j'ai lus sur Döblin font également référence à Joyce.

J'ai lu l'article de Wikipedia ( assez mauvais) On compare aussi avec Manhattan transfer ce qui est moins tiré par les cheveux et avec Céline ce qui est franchement stupide.

C'est une des limites de Wikipedia qu'on y corrige plus volontiers les faits que les jugements.

Quant à l'Ulysse, c'est un livre si riche et si inventif qu'on peut s'y référer pour n'importe quel livre postérieur, sans risque mais le plus souvent sans grand profit.

Plus sérieusement Berlin est un livre dense mais qui est fort loin de présenter les difficultés de l'Ulysse dont certains passages sont à mon sens inintelligibles. Ce qui n'enlève rien à l'intérêt formidable de l'ensemble à la différence de Finnegans Wake que je trouve intégralement incompréhensible.

Je ne sais pas si tu possèdes la nouvelle édition en folio de Berlin Alexanderplatz mais sinon va (re)lire l'article de Rainer Werner Fassbinder en fin d'ouvrage, tu verras qu'il y fait aussi allusion au fait que le roman de Döblin a été comparé - à tort ou à raison - à celui de Joyce, principalement au niveau de la technique narrative.

Mais en effet, pour avoir lu jadis les 50 premières pages d'Ulysse, je peux déjà dire qu'au niveau de l'écriture, c'est tout à fait autre chose. Döblin me paraît d'emblée nettement plus "digeste", quoique très spécial aussi. J'attends d'en avoir lu plus avant de dire génial.

Je suis tenté de dire que certains poncifs permettent à beaucoup de faire l'économie d'une véritable analyse. C'est en soi un poncif que dire des critiques qu'ils sont souvent paresseux.

Qu'une narration soit fragmentée on invoque Joyce, qu'une écriture soit pseudo orale c'est Céline qui est convoqué et si on détecte la moindre porosité auteur/narrateur c'est Flaubert qui s'y colle !

Cela dit je ne crois pas que le jeu des références soit très intéressant et vaille qu'on s'y attarde. Bonne lecture donc de ce qui est un authentique chef d'oeuvre que Döblin ne doit à mon sens qu'à son immense talent.

Quant aux influences...certes ! Ne serait-ce que par le fait qu'on n'invente pas la langue dans laquelle on écrit et donc pas non plus la longue trace culturelle qui s'y rattache.

Quand Ulysse revient à Trieste de Boris Pahor.

Alors que bien souvent il nous faut choisir entre roman sociologique ou historique et roman psychologique, Boris Pahor montre qu’à Trieste en 1943 l’histoire est immanente aux cheminements, pensées et émotions individuelles. C’est dans la lumière de l’Istrie, merveilleusement évoquée par l’écriture semblablement éblouissante, que le héros ô combien homérique mais en même temps d’une émouvante humanité « ordinaire » déploie sa volonté de se couler dans l’histoire du peuple Slovène dont il est membre et chantre à la fois.
Un très beau roman de 1955 enfin traduit et qui complète ce que l’on a déjà pu lire de Boris Pahor.

En ce moment j'ai un roman en cours de lecture, La chute de John Stone de Iain Pears,
roman passionnant et plein de rebonds.

je lis le Le canapé rouge de Michèle Lesbre.

Michèle Lesbre est un écrivain extrêmement intéressant qui, sans grand effets, creuse un sillon qui est une oeuvre véritable et de grande densité.

Belle lecture.

C'est de plus une personne fort agréable ( j'ai eu le plaisir de l'interviewer) qui parle de son travail d'écriture avec beaucoup d'intelligence.

Je viens de terminer un très intéressant roman de Christoph Hein, L'Ami Etranger chez Métailié.

Une chronique curieusement distante et froide de la vie d'une femme d'Allemagne de l'Est dans les années 80. Ce que j'aime particulièrement c'est la simplicité (apparente) du style, très nu, cette façon de refuser de démontrer à grand bruit qu'on est un styliste et d'être pourtant d'une redoutable efficacité.

Pour ceux qui sont sensibles à ce détail, c'est un livre assez court....

Je lis Un enfant de Thomas Bernhard.

Plus je lis cet auteur plus je suis fasciné par son génie. Peu d'écrivains ont à ce point dominé la langue pour en faire l'outil de l'expression d'une pensée ô combien subtile et complexe. Il y a en particulier chez lui cet usage très original de l'exagération comme moyen d'expression, une exagération obsédante et troublante car elle sait nous séduire dans le temps même où nous percevons sa nature excessive. C'est un peu comme admirer une personne pour un exploit qu'elle prétend avoir accompli et dont on sait qu'il est usurpé.
Nous sommes ici, je pense, au coeur absolu de la réalité littéraire.

Alors lisez Thomas Bernhard même si vos (éventuels) amis autrichiens vous font la tête tant il a craché sur son pays avec une constante virulence.

Pays qui a bien été obligé de lui rendre hommage !

Quel roman de Thomas Bernhard conseillerais-tu pour une première découverte de cet auteur ?

Bonsoir François,

Aucune hésitation de mon point de vue. Il faut commencer par Le Neveu de Wittgenstein. Thomas Bernhard est si "typé" que tu sauras très vite si tu aimes ou pas.

Merci Jean-Pierre, j'ajoute donc ce titre à ma liste de livres à lire.

Je commence la lecture de Marcel Proust, "Du coté de chez Swann" écriture en prose, ardue,mais belle!

Cette semaine Le Monde des livres consacre sa "une" et une seconde page à Boris Pahor pour Quand Ulysse revient à Trieste aux Editions Pierre-Guillaume de Roux.

Un roman dont j'avais dit ici tout le bien que j'en pensais.  Un éditeur indépendant ( c'est devenu très rare) qui trace son chemin avec un catalogue dont le moins qu'on puisse dire est qu'il ne donne pas dans la mode immédiate et la facilité.

Je lis Marcel Proust en ce moment avec "Du coté de chez Swann", j'aime beaucoup ses récits avec une note d' humour.

Dès que j'entrerai dans une bibliothèque ou librairie je m'enquête pour lire vos romans Jean-Pierre Poccioni, que je lirais avec grand intérêt! 
je me repose et me rétablis petit à petit de ma  brulure.

Majalis,

Sympathique intention.  

Sachez qu'il vous faudra commander car les livres qui ne sont pas des "classiques" ne s'attardent pas plus de deux mois dans les librairies.

En un sens c'est rassurant pour moi car cela m'évitera une comparaison trop directe avec Proust dont le génie est de nature à écraser la plupart des auteurs fussent-ils pourvus d'un honnête talent !


Ps : Je vous conseille Un garçon en ville, sans argument spécifique, juste une intuition.

Je lis Mélodie d'Akira Mizubayashi dont j'avais beaucoup aimé Une langue venue d'ailleurs brillante réflexion sur son apprentissage du français. Ici, il est question de nos rapports avec les animaux qui sont envisagés au travers de l'évocation de sa défunte chienne Mélodie.

Sensibilité et beauté de l'écriture ( Mizubayashi écrit en français!) mais aussi réflexion subtile sur le mal avec en exergue cette citation de Kundera:

La vraie bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l'humanité ce sont ses relations avec les animaux. Et c'est ici que s'est produite la faillite fondamentale de l'homme, si fondamentale que toutes les autres en découlent. L'insoutenable légèreté de l'être.

Un livre d'une grande intelligence qui pourrait éviter à certains de répéter la fameuse sottise: "Les gens qui aimant les animaux feraient mieux d'aimer les humains" !

Je lis La Fiancée Libanaise de Richard Millet et me dis qu'il est totalement anormal que cet auteur, ce styliste incomparable, ne soit pas plus connu, célébré, mis en avant par les critiques et les lecteurs.

C'est vrai qu'il est de droite dans un monde où bien penser c'est penser à gauche.
C'est vrai qu'il est arrogant alors que la simplicité ( authentique? ) est à la mode.
C'est vrai qu'il aime les phrases longues et les subordinations complexes quand bien des auteurs contemporains hésitent à sortir du sujet/verbe/ complément.
C'est vrai qu'il croit à la puissance du talent quand la tendance est à l'apprentissage de la littérature ( ateliers d'écriture, stages divers et bientôt universités) l'écriture enseignée comme la poterie, les langues étrangères ou l'art du tarot.

Bref, un auteur pour lecteurs décidés, pétris par autre chose que la mode et son médium préféré la télé !

En ce moment je lis avec plaisir" Du côté de chez Swann" de Marcel Proust.

Une lecture fondamentale qui non seulement est une magnifique ouverture à La Recherche du temps perdu, mais une véritable initiation à l'écriture de Proust.

Magnifiques passages sur la nature, les aubépines et la rivière plus particulièrement.

Bonne lecture...

je lis:
...c'étaient les reflets rouges du couchant que je voyais sur le vitrage de ma fenêtre.

une belle transposition, il y en plein ainsi.