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Intéressante cette idée de vendre. En pourrait faire le lien avec « se vendre »...
Se vendre pour vendre ou se faire connaître.

Il y a aujourd'hui des artistes qui ont le talent de bien se vendre pour vendre ou simplement se faire connaître. Ils sont des spécialistes en marketing et en opportunisme (ce qui est loin d'être mon cas ! En plus  je déteste cela).
Ils peuvent même être moyens ou médiocres (j'en connais notamment dans le monde de la photographie et de la peinture).

D'un autre côté si on ne fait rien, en tant qu'artiste, on ne viendra pas chez vous pour vous chercher !!! On n'est plus dans les années 195050-1960 quand le mot pléthore n'existait pas.

Votre roman parle de la collusion avec les médias... on a chez nous un présentateur de télévision François de Brigode. On a appris qu'il photographiait occasionnellement ! Fondamentalement c'est un petit  photographe. Mais comme il a un poste-clef dans les médias, il n'a aucun souci à se faire pour voir toutes les portes ouvertes (livre édité, expositions dans de grands lieux). Et le pire est que ça se vend, car il est connu dans les médias (on doit même se le farcir quasiment tous les jours).

Oui, c'est comme ça que ça fonctionne mais peut-on y faire quelque chose ? J'en doute.

En gros, deux options s'offre l'artiste : soit il utilise les ficelles du marketing pour faire connaître son oeuvre (ce qui est un souhait assez légitime quand on est artiste, je trouve), soit il renonce à montrer ce qu'il fait en dehors du cercle restreint de sa famille et ses connaissances.

Si on est déjà médiatisé comme François de Brigode, ça aide énormément bien entendu mais comment pourrait-il en être autrement ? On ne peut pas demander aux gens de faire comme s'ils ne connaissaient pas François de Brigode. Et on ne peut pas demander à François de Brigode de faire comme s'il n'était pas connu. Et quand bien même il le voudrait... en fait il ne peut absolument plus rien y faire. Mais ce qui est dommage pour lui, c'est qu'il ne saura jamais si ses photographies ont du succès parce qu'elles sont bonnes ou simplement parce qu'il est connu.

Après La Carte et le Territoire et Extension du Domaine de la Lutte, je viens d'achever mon troisième Houellebecq, Les Particules Elémentaires, et ce sera sans doute mon dernier car même si certaines choses chez cet auteur me fascinent, je commence à me lasser de sa vision de la vie - et particulièrement de la vie sexuelle - que je trouve épouvantablement déprimante.

J'ai eu beaucoup de mal à me projeter dans les personnages et la société qui sont décrits dans ce roman. Certaines observations sont pertinentes et intéressantes, voire brillantes, mais le problème est que Houellebecq a tendance à élaborer des grandes théories à partir de faits ou comportements qui, selon moi, sont marginaux.

Une autre chose qui m'a gêné, c'est que certains développements sont amenés de façon tout à fait artificielle. Par exemple, un personnage se rend chez un autre et se met soudain à débiter une série de faits et de réflexions sur Aldous Huxley dans un long monologue peu crédible. Et comme par enchantement, son interlocuteur connaît lui aussi très bien la vie et l'oeuvre d'Huxley (dans le menu détail !) et lui répond donc par un autre long monologue sur cet auteur. On sent un peu trop que l'écrivain avait des choses à dire sur Huxley et a voulu les placer à tout prix. Qu'il écrive un article sur Huxley alors !

Conclusion de ces trois lectures houellebecquiennes : j'ai découvert un auteur que je trouve tout à fait singulier et qui a indiscutablement des choses à dire sur pleins de sujets intéressants mais ce qu'il dit n'est pas vraiment ma tasse de thé. Sur tous les plans, La Carte et le Territoire m'a semblé supérieur aux deux autres.

Je vais maintenant retourner vers ce bon vieux Paul Auster avec Le livre des Illusions.

Je suis assez d'accord avec vous François - même si mes lectures d'Extension... ou des Particules...commencent vraiment à dater. Néanmoins j'avais donné mon avis sur Soumission dans ce même fil (un peu forcé de le lire je dois dire). Un écrivain qui sait m'impressionner mais qui sait aussi passablement me laisser un peu dubitatif sur le propos. Dans Soumission il remet l'écrivain Huysmans au goût du jour par le biais de son personnage prof de littérature à l'université, spécialiste de cet auteur, il y a aussi un long passage sur les arcanes des services secrets. On croirait parfois qu'il voudrait placer des thèmes qui lui sont chers. Pourquoi pas? Mais je les trouve peu habilement placardés dans sa dramaturgie. Sinon, au risque de me répéter, je trouve son observation de l'espèce humaine assez juste, même dans l'excès. Comme vous, je n'en lirai pas d'autre, je pense. Et surtout, on ne m'y "forcera" plus.
Encore deux remarques car je suis surpris par votre palmarès: du peu de personnes que je connais ayant lu "La carte et le territoire", presque aucune n'a vraiment apprécié ce roman, regorgeant de références pour les adeptes des médias francophones, du product placement de célébrités amies ou ennemies me confiait un ami argentin -qui certes n'en connaissait pas la moitié (d'où aussi la limite de ce genre d'attitude), Soumission en était truffé aussi. Des procédés qui m'ennuient souvent. Pourtant je pense être au fond assez proche de votre avis: je lui trouve certains talents, mais j'ai mes réserves qui m'empêchent de lire plus de 3 livres - jusqu'à maintenant.
Une autre remarque serait sur le style de Houellebecq: parfois très bon, parfois je le trouve bâclé. Sur un paragraphe, on trouve de belles choses et des tournures presque banales. Mais le gros des lecteurs de Houellebecq se moque bien de la langue, je crois. Ce n'est pas l'enjeu. Hélas?!

Merci pour cet avis Pierre, nous nous rejoignons en effet sur beaucoup de points.

C'est vrai qu'il y a pas mal de name-dropping dans La Carte et le Territoire mais malgré cela j'ai trouvé ce roman plus abouti et moins inégal que les deux autres, au niveau du style entre autres. Il est aussi plus varié, plus surprenant.

D'après ce que j'en ai entendu et ce que vous en avez dit sur Passion des Mots, Soumission ne me tente pas. Et heureusement il y a peu de chance que quelqu'un me force à le lire !

Je viens de terminer la lecture d'un roman de Lionel Trouillot : L'amour avant que j'oublie. Publié chez Babel.

Un très bon roman, à l'écriture très belle qui, dans le cadre d'une unité de lieu bien déterminée (une pension ou vivent les quatre personnages principaux appelés les Aînés), nous offre une réflexion plus ou moins directe sur le passé, le seuil de la vieillesse, l'écriture, le langage, la mémoire et l'amour. Un lieu clos mais dont on sort fréquemment et notamment par l'intermédiaire de la pensée/mémoire des quatre personnages : le narrateur-écrivain, Raoul, l'Étranger, l'Historien.

Encore un de ces remarquables romans méconnus...

Une superbe couverture faite spécialement pour moi !

« A cinquante ans, un écrivain perd sa maîtrise de la langue au moment où il conviendrait (enfin) de parler d’amour. A l’inconnue de ses pensées, il parlera donc d’autre chose. Ainsi revisite-t-il le souvenir de palabres crépusculaires conduites sous l’arbre d’une cour de Port-au-Prince avec trois figures demeurées tutélaires : “l’Etranger”, l’Historien” et Raoul, perdants magnifiques, amants menteurs et authentiques hommes blessés à la poursuite ou en deuil de leurs rêves…
A travers ces personnages inoubliables qui firent concevoir à celui qu’ils appelaient “l’Ecrivain” le soupçon que l’amour n’a peut-être que faire du langage, Lyonel Trouillot se livre à une bouleversante méditation sur la nécessité de réconcilier le temps réel de nos vies avec les mots qui s’efforcent de dire nos déchirures et nos désirs secrets. Et c’est ainsi, en écrivain en pleine possession de son art, qu’il dévoile la nature intime et profonde du rapport singulier qu’il entretient avec la fiction.»


Très belle analyse à découvrir ici (à lire après lecture).

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Je lis depuis hier Envoyée spéciale (Déjà évoqué par Jipi). C'est un régal. Jean Echenoz en grande forme. Comme souvent en fait, mais sa fiction aux accents de polar burlesque commençait presque à me manquer. Lira qui voudra, mais évidemment, je le conseille.

PierreVDM a écrit:

Je lis depuis hier Envoyée spéciale (Déjà évoqué par Jipi). C'est un régal. Jean Echenoz en grande forme. Comme souvent en fait, mais sa fiction aux accents de polar burlesque commençait presque à me manquer. Lira qui voudra, mais évidemment, je le conseille.

Amusante coïncidence Pierre, car je viens de l'acheter il y a quelques jours et je commencerai sa lecture sans doute la semaine prochaine. On pourra échanger nos impressions. C'est un auteur que j'apprécie beaucoup même si je n'ai lu que quelques romans. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de le rencontrer il y a quelques années dans le Jura et nous avons pu converser avec plaisir. Cela fait toujours plaisir de rencontrer l'intelligence et la culture !

En plus j'apprécie particulièrement les éditions de Minuit dont j'ai déjà beaucoup parlé dans le passé, car elles furent, du temps de Jerôme Lindon, une des seules maisons d'édition à oser le pari du Nouveau Roman dans les années 1950 et suivantes.

Juste un complément sur Envoyée spéciale de Jean Echenoz (2016) qui met de nouveau en place une intrigue bien orchestrée de son QG par un vieux général secondée d’un agent qui de loin manipule d’autres intermédiaires. On part de Paris pour se planquer avec une otage dans la Creuse et on atterrira finalement avec elle en Corée du Nord où la mission touche à son but et dont je ne révèlerai rien pour ne pas gâcher le plaisir de Jipi. Le roman se lit parfois comme une aventure picaresque, mais comme toujours chez Echenoz, c’est la manière du récit qui importe, donc plus la forme que le fond (qui a certes son importance mais que je trouve presque secondaire). On s'amuse pas mal des diverses infortunes de ses faux héros, et même les moments plus sérieux ou « tragiques » ont quelque chose de clownesque. C’est un peu un retour au roman de facture échenozienne, à cheval entre le policier, le roman d’espionnage et l’autofiction comme il l’affectionne. Pas que les précédents livres se soient éloignés de son style (au contraire, ils l’ont affirmé) mais ils collaient plus au récit d’une vie (Courir, Des éclairs, 14) ou d’un fragment de vie (Ravel) en trempant moins dans cette plaisante gaudriole - encore que. Echenoz est un styliste hors pair plein d’une fine truculence qui déterre des expressions et des vocables quasi inouïs ou inédits de la langue française, sans devenir érudit à l’excès, mélangeant les styles de langue avec maîtrise, tout cela donnant à la lecture un caractère jouissif. Très présente aussi dans ce roman, plus peut-être que dans les autres, est l’intervention de l’auteur, se permettant des commentaires sous forme d’incises, dirigeant le récit, replaçant le lecteur. L’omniscience du narrateur n’a jamais été aussi omniprésente. Lire Echenoz (pour moi), c’est faire un repas de six ou sept plats (sans holothurie si possible !) et s’en délecter de la première bouchée du hors d’œuvre à la dernière cuillère du dessert, à la dernière lampée du digestif. On se mettrait même au cigare après le repas avec ce dernier opus.

Voilà qui donne envie de lire Echenoz !

Sachant que je n'ai encore rien lu de cet auteur, par quel titre devrais-je commencer ?

Ma question est adressée à Pierre mais aussi à Jipi et tout autre membre qui connaîtrait bien Echenoz et aurait un avis sur la question.

Répondu en détail en privé.
mais sinon "L'équipée malaise" (1986), "Je m'en vais" (1999, Goncourt) ou même son deuxième "Cherokee" (1933)
"Nous trois" (1992) avec ses passages très drôles dans une station orbitale est pas mal non plus

Pierre, je me force à ne pas lire ton commentaire, car je n'ai pas terminé le roman. Je réagirai donc plus tard.

François, j'ai demandé à Pierre de te répondre, car il a lu davantage de livres de cet auteur dont il est féru (tout comme moi d'ailleurs !)

Je m'en vais et Envoyée Spéciale me semblent de très bons choix.

J'ai préféré Envoyée Spéciale (jusqu'à présent !) à Cherokee.

Plaisir d'écrire et plaisir de lecture en tous les cas avec Echenoz dans la mouvance d'un roman nouveau vraiment pas ennuyeux : que du bonheur ! De toutes façons, comme je l'ai dit plus haut, Les éditions de Minuit, offrent quasiment toujours des tonalités nouvelles.
Je te conseille l'achat du livre : tu profiteras de la belle couverture blanche à étoile bleue... toujours la même depuis des lustres.
Il faut savoir parfois abandonner la liseuse ! Je te taquine, car je sais que tu achètes encore des livres !

Très belle analyse, Pierre, du roman de Jean Echenoz.

J'ai placé ma petite réflexion, sans aucune gêne (!), dans la rubrique polar.

Je viens de terminer LE LIVRE DES ILLUSIONS (The Book of Illusions) de Paul Auster, un roman qui ne m'a pas vraiment convaincu.

On y retrouve beaucoup de thèmes, situations et procédés chers à Auster (l'homme qui disparait sans laisser de traces et sans raison apparente, l'homme qui doit reconstruire sa vie après un évènement bouleversant, l'histoire dans l'histoire, la mise en abyme de la création littéraire, etc...) et d'habitude tout cela m'intéresse et je me laisse emporter par l'écriture mais pas cette fois-ci.

J'ai trouvé la narration fort lente, chaque scène est décrite avec une multitude de détails un peu soulants à la longue.

L'histoire est pourtant intéressante et originale mais je n'ai pas retrouvé la magie qui m'avait fait adorer d'autres romans de Paul Auster come LA NUIT DE L'ORACLE, LA MUSIQUE DU HASARD ou LE VOYAGE D'ANNA BLUME.

J'avais déjà été déçu par LA TRILOGIE NEW-YORKAISE, ma précédente lecture de Paul Auster. Serais-je tout simplement en train de me lasser de cet auteur ?

Je compte quand même encore lire BROOKLIN FOLLIES et LEVIATHAN dont on m'a dit beaucoup de bien, mais pas tout de suite. Dans l'immédiat, place à JE M'EN VAIS de Jean Echenoz (sur le conseil de Pierre VDM.)

Merci pour ton compte rendu François.

La trilogie New-Yorkaise est ce qui m'a décidé à découvrir Paul Auster : tout y est dans cet ouvrage fondateur qui m'a même servi de référence pour mes étudiants de dernière année : la Cité de Verre et La Chambre dérobée... remarquables. Les Revenants : plus faible à mes yeux.

La Cité de Verre... je construisais une partie de mon cours sur ce roman. C'est le livre fondateur de la démarche austérienne.

On ne peut évidemment pas tout aimer d'un auteur et si tu décides de tout lire d'un même auteur (ce qui, personnellement, n'est pas démarche) il me semble normal que certains ouvrages te déçoivent.

Bonne lecture du livre de Jean Echenoz (conseillé aussi par Jipi !!!).

Jipi a écrit:

On ne peut évidemment pas tout aimer d'un auteur

Sans vouloir chicaner, je dirais plutôt : on peut évidemment ne pas tout aimer d'un auteur.

Parce que je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas tout aimer de certains auteurs.

Parce que dans toute production abondante (je dis bien abondante) d'un écrivain, d'un musicien, d'un cinéaste, etc.... il  y a toujours des oeuvres plus faibles ou tout au moins des oeuvres que l'on apprécie moins !!!

Tu peux prendre n'importe quel écrivain, peintre, musicien rock, cinéaste...

Tout simplement parce que l'abondance crée une certaine disparité.

Ce n'est pas une règle d'or : c'est une constatation qui se justifie sur le plan de l'expérience humaine (et donc aussi psychologiquement) et intellectuellement parlant. Il y a l'état de l'artiste  au moment où il  révèle son oeuvre et il y a l'état du récepteur au moment où il reçoit l'oeuvre.

Je ne connais aucun cas d'artiste dont j'apprécie toutes les oeuvres lues, vues, entendues (même si je n'ai pas lu toute l'oeuvre d'un seul artiste : pas mon challenge/intention non plus, car je préfère augmenter la diversité des auteurs en tentant de repérer les meilleures pépites de chacun).

D'accord.

J'ai lu JE M'EN VAIS de Jean Echenoz et j'ai adoré !

Je comprends mieux maintenant - et je confirme - tout ce que Pierre écrivait à propos de cet auteur quelques messages plus haut.

Le style est vraiment particulier, et même s'il m'a fallu quelques pages pour m'habituer à cette écriture que je qualifierais de "différente", j'ai assez rapidement été séduit par son humour et son originalité.

JE M'EN VAIS est un roman que j'ai lu avec le sourire du début à la fin, et pourtant rien de ce qui s'y déroule n'est particulièrement réjouissant, mais c'est le point du vue du narrateur et ses réflexions qui m'ont séduit.

Merci à Pierre Vdm et Jipi de ce conseil de lecture, Echenoz est un auteur qui vaut assurément la peine d'être découvert.

On sourit en effet...

Ce roman offre un tout grand plaisir sur le plan de la narration.

Merci pour ton compte rendu François.

A François: content que ce livre t'ait plu. Tous ses livres sont de cette trempe. Je passe toujours un bon moment en le lisant.

J'ai lu Le Black Note de Tanguy Viel (1998). Un court roman de cet auteur (son premier) dont j’ai lu presque tous les suivants (sauf un) et qui m’a souvent plu par son style. Le style de ce premier roman est extrêmement différent. Une sorte de long monologue obnubilé par un personnage qui est décédé. Peu à peu, au fil des pages, on apprend dans quelle histoire trempe le narrateur, désormais interné dans un hôpital psychiatrique qui ne dit pas son nom. Sur une île (supposée de Bretagne), quatre jeunes reprennent une maison pour y vivre et s'adonner à leur passion du jazz. L’un d’eux, Paul, se prend pour John Coltrane (jusqu’à se peindre le visage au cirage noir) et se fera appelé John, ainsi des autres qui prennent les noms des musiciens qui jouait dans le quartette de Coltrane. Le monologue du narrateur s’adresse tantôt à l’un des deux autres 'jazzeux', tantôt au médecin qui le prend en charge, et a donc pour thème, John (Paul), son comportement, ses addictions à la drogue, sa folie, et finalement dresse les contours de la folie des quatre jeunes. Une écriture répétitive, qui s’acharne sur des moments de la sombre fin de cette cohabitation, et qui m’a légèrement fait penser à des aspects de l’écriture de Thomas Bernhard (discours rapporté d’autrui, répétitions incessantes mais qui complètent minutieusement ce qui a été dit) mais pas plus que ça. Un livre noir - le titre est parfait, pas loin du bloc-note d’un dérangé, rappelant aussi un album de Coltrane « Black pearls » - à la lecture qui met parfois presque mal à l’aise. C’est réussi pour un premier roman (Les Editions de Minuit ne me déçoivent pas souvent), et pourtant je préfère nettement ce que j’ai lu d’autre de cet auteur. « L’absolue perfection du crime », « Insoupçonnable » ou même son dernier (je crois) « La disparition de Jim Sullivan », une belle prose.

Merci Pierre pour ton beau compte rendu.

Je n'ai lu de cet auteur que « L'absolue perfection du crime » que j'avais beaucoup aimé.

Tu parles des Éditions de Minuit que j'affectionne particulièrement (dois-je encore le dire ? !) : avec cet éditeur tu sais déjà que l'écriture est une aventure... et c'est donc passionnant.

J'ai lu VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT de Céline.

Je ne vous ferai pas l'affront de vous livrer ici un résumé de ce roman que vous avez sans doute tous lu, mais je dirai juste que je l'ai trouvé remarquable et original tant sur le plan de l'écriture que du contenu. Ce livre mérite assurément sa réputation.

Cela dit, il m'a quand même fallu un bon moment pour "entrer dedans" comme on dit vulgairement, et je ne partage pas la vision très noire (comme la nuit...) que Céline porte sur les hommes, la société, et sur tout en fait, même sur l'amour. Si j'adhérais complètement à cette vision des choses, je crois que je me flinguerais tout de suite.

C'est donc un roman que j'ai trouvé ardu (surtout au début) et dur, mais qui m'a malgré tout beaucoup plu parce qu'il m'a bousculé dans mes habitudes littéraires et m'a interrogé sur ma propre vision de l'homme. C'est tout ce que je demande à la grande littérature, finalement.

Pour changer de langue et de style, je passe maintenant à THE PICTURE OF DORIAN GRAY (la version non censurée bien sûr) d'Oscar Wilde, un auteur que j'ai toujours trouvé génial (au sens fort du terme), le lire est pour moi un véritable délice littéraire et intellectuel. Je ne suis encore qu'au tout début et à chaque page je marque des passages que me frappent par leur pertinence. Pour moi Oscar Wilde est un peu le Winston Churchill de la littérature, et ça me fait penser qu'il faudra que je lise aussi les oeuvres complètes de Churchill dont je pense avoir déjà dit ici que je suis un fan absolu !

Je reviendrai sans doute dire quelques mots de ce roman d'Oscar Wilde dans quelques temps...

Je viens de lire La musique d'une vie de Andreï Makine (2001). Un court récit d'une force rare. La langue est maniée avec une maîtrise somptueuse, les descriptions font preuve d'un lyrisme subtil sans tomber dans le pompeux, et les états d'âmes, les "intériorités" des protagonistes ont été cernés avec finesse, justesse, faisant de ce je pourrais appeler une miniature, un joyau de littérature. (Juste mon avis)
Le lecteur s'attache aussitôt au personnage d'Alexeï Berg, jeune pianiste moscovite qui, au seuil de son premier concert, se voit contraint de fuir le domicile familial duquel ses parents sont chassés et déportés dans les camps staliniens. S'ensuit une errance fugitive à travers les paysages de l'Oural et, la Russie en guerre, il se voit très vite enrôlé dans l'Armée Soviétique mais sous une fausse identité qu'il conservera.
Le récit de cette vie dont je ne vais pas tout dévoiler ici s'effectue au cours d'un long voyage en train à travers la Russie et est enchâssé entre l'attente interminable de ce train dans une gare provinciale russe et l'arrivée à Moscou. Si je précise, c'est que cette attente liminaire au récit de la destinée d'Alexeï est elle aussi magnifiquement écrite: Andreï Makine excelle à dresser un portrait de la Russie, du Russe (ce qui ne veut pas dire grand-chose, j'en conviens), parvenant à esquisser ce que serait l'homo sovieticus.
Je relirai cet écrivain dont je me souvenais du nom en tombant sur ce livre parce qu'il avait reçu le Goncourt il y a une vingtaine d'années. Quel plaisir de commencer l'année par cette petite merveille de littérature !

Juste pour réagir à la lecture de L-F. Céline de François: c'est un bon souvenir de lecture que "Voyage au bout de la nuit", mais c'en est un meilleur que "Mort à crédit" qui correspondrait aux jeunes années de Bardamu / de Céline lui-même. Je vous le conseille vivement. J'ignore s'il faut avoir lu autre chose de cet écrivain tendancieux et décrié (à tort ou à raison) mais ces deux-là suffisent déjà à en faire, je trouve, un grand de la littérature française.
Quant au Dorian Gray d'Oscar Wilde, c'est un souvenir plaisant (décidément que de souvenirs!) et marquant par les idées qu'il y développa. Je ne l'ai pas lu en anglais, ni sa version non censurée dont je doute assez qu'elle modifie fort le fond de l'histoire. Mais peut-être que tu me feras mentir. Enfin, il faudrait pour moi m'en souvenir en détail.