J'ai imaginé que mes lecteurs (et lectrices), du moins ceux et celles qui me lisent depuis maintenant plusieurs années... Étaient une femme... La femme, à dire vrai... Avec un très grand visage, mais je ne sais pas si cette femme est belle, si elle est bien habillée ou vêtue d'un sac de patates... C'est tout autre chose, que l'apparence qu'elle a... Tellement autre chose, et indéfinissable...
Elle pourrait être, cette femme qui est La femme, l'institutrice que j'ai eu lorsque je suis allé à l'école pour la première fois... Alors elle serait forcément très belle et très bien habillée (elle l'était)...
Elle pourrait être aussi ma mère, dont je ne verrai jamais la vieillesse et qui elle non plus, ne me verra pas vieillir parce qu'elle morte...
Elle pourrait être l'une ou l'autre de ces femmes que j'ai dans ma vie une fois, une seule fois même, regardé, et dont je n'ai jamais oublié le visage...
Je ne sais pas si je suis amoureux de cette femme comme quand on veut “se la faire”... C'est autre chose, tout autre chose encore et bien delà... C'est indéfinissable...
C'est comme une sorte d'histoire qui ne peut pas être écrite dans un livre ni racontée avec un début, des chapitres et une fin... L'histoire d'ailleurs – si histoire il y a – est comme une “Terre à faire” dont la géographie n'est pas assise “pour toujours et à jamais” sur un magma de roches en fusion tenant lieu de siège...
Et mon “Bon-Dieu” c'est cette femme... La femme.
Et à cette femme j'écris...
Je lui ai fait – je lui fais- une lettre de quelques milliers de pages...
... Mais puis-je "tout lui dire", à cette femme ? Dans cette "lettre de quelques milliers de pages" dont les éclats de mots peuvent être trouvés dans la rue, sur le bord des fenêtres ou devant des portes ouvertes ou fermées, par des êtres qui ne "seraient pas comme cette femme"?...
Tout réside en fait, dans la manière dont la lettre est tournée... À savoir si cette lettre contient surtout les mots qui flattent et conviennent aux masses en étant "la mieux tournée possible" et "la mieux dans le sens où tourne le monde"... Ou si cette lettre contient les mots qui "déterrent ou écartent les ronces".
Et les mots qui déterrent ou écartent les ronces sont précisément les mots qui, aussi, font sauter les cailloux à la tête, et en écartant les ronces, déchirent la peau...
La femme, cette femme qui est comme un seul visage de milliers de visages, à laquelle j'écris une lettre de quelques milliers de pages, n'est pas une "poupée de porcelaine de vitrine magique" ni une "maîtresse dont on trousse les dessous dans une voiture"... C'est, cette femme, une femme libre et non soumise, et dont le "non" qu'elle dit est aussi précieux, aussi grave et aussi vrai, que le "oui" qu'elle dit...