Textes de Yugcib (2)

Il était là, au beau milieu de la place du village, en attente de quelque nouveau « client », le « fourgon à viande froide »…
Et il n’avait pas l’air d’un camping-car, ce véhicule mortuaire apprêté pour conduire en sa demeure éternelle, quelque « mémé » ou « pépé » du pays…
Tiens, ça serait une idée de racheter un vieux camion des Pompes Funèbres et de le bricoler en camping-car ! Deux ouvertures rectangulaires à percer dans la tôle de chaque côté pour les fenêtres, un coup de peinture verte pour faire écolo et hop ! Basta sur la côte Méditerranéenne… Peut être pas « à fond la caisse », ni par l’autoroute mais la vitesse on s’en moque !
De toute manière en perspective de la seconde et dernière extrémité de notre vie, l’on joue perdant quoi que l’on ait déjà gagné ou quoi que l’on gagnera encore demain… Alors les terreurs ancestrales, les superstitions, le « bien fondé » convenu et normalisé d’une « pompe » en chic et en noir et en chêne ou en sapin… Font que nous n’osons pas imaginer quelque farce saugrenue à faire, à Madame la Mort… Et pourtant ! Un peu de sacrilège, d’ironie, d’insolence et de dérision, puisque le « rafiot » coulera, cela n’empêche pas la traversée de mauvaises mers ni l’arrivée dans le dernier port mais cela aide tant soit peu et c’est somme toute, une forme de « résistance »…
Et la « mémé » ou le « pépé » que l’on allonge dans un beau cercueil verni aux ferrures dorées, le beau caveau de famille pour lequel on se « fend » du contenu d’un livret A de la Caisse d’Epargne, la pompe dont on entoure le mort , les paroles de compassion à la sortie de l’église, les costumes sombres, le petit verre, le café et la brioche au bistrot du coin, les conversations genre « il était ceci, il était cela… » et, en garde ou tapi en silence au beau milieu de ce carnaval de gens endimanchés dont certains feraient penser à des corbeaux ou même à des vautours, l’espérance du petit héritage qui dès le lendemain des obsèques, fera pousser des crocs à de belles bêtes humaines…
… Madame la Mort, dont le visage et la robe ne me font guère bander, épargne moi je t’en prie, les signes de la Religion, la messe ou l’absoute, la pompe et le caveau de famille et les discours inutiles… Dans le jardin du Souvenir, je ne rirai plus, je ne pleurerai plus et je serai là, dans la terre, sans voir ce que devient la Terre…

J'ai beaucoup aimée yugcib, et en plus ça correspond un peu avec mes idées. Vos écrits m'ont fait sourire
Quand Max vivait encore, on se disait que dans une bagnole du dernier voyage, il y avait de la plaçe pour mettre un matelas, et partir sur la route.
A son enterrement j'ai demander au gens de s'habiller comme d'habitude, de toute façon ce n'est pas tous ce tralala, qui compte.....
Il vaut dire que a nôtre mariage (civile), on as aussi interdit les cravates ...
As-tu vu le film de "Arold et Maude" ? Avec la musique de Cat Stevens
Ou Arold transforme sa belle porche en corbillard. Super film, marrant et touchant !

J'ai bien aimé ce texte, un peu aigre sur la fin, mais bon...
Je me demande quand même ce que font là tout ces guillemets.

... Merci de me le faire remarquer : oui, je comprends ton interrogation. Je vais m'en expliquer dans mon prochain message (en reprenant les mots de ce texte que j'ai mis avec des guillemets... Il y a une raison si je peux dire)...
A très bientôt...
Merci.

Juste une remarque comme ça. Vos textes, en tout cas celui-ci et "Camping-car" partent d'une idée de base: camping-car ou dinosaures, "oniriques" et imagées, pour dans un deuxième temps revenir s'ancrer dans le réel. L'on retrouve alors deux parties, voire deux histoires.
Pourquoi ne pas conserver la ligne imagée tout du long?

... Chez moi, c'est disons, assez particulier (et n'engage que moi)... Il ne faut y voir là aucune prétention, ni littéraire ni de quoi que ce soit.
Je m'explique : (en ce qui concerne ce texte, mais aussi pour bon nombre de mes textes)
-Tout d'abord : ce n'est pas chez moi une règle absolue (je n'en fais pas par exemple, comme une forme grammaticale ou expressionnelle à prendre en compte ou à soit disant inventer)
-Lorsque j'emploie des mots ou des expressions familières, et en même temps très couramment utilisées, j'utilise les guillemets.
Exemple : mémé, pépé, pompe, rafiot, se fend, il était ceci/il était cela...
-Lorsque je tiens à souligner le sens que j'attache à certains mots (ou à une locution en particulier) j'utilise les guillemets
Exemple : client, fourgon à viande froide, résistance.
-Lorsque j'introduis dans mon texte quelque néologisme plus ou moins "hasardeux" à mon sens, je souligne ce terme par l'emploi de guillemets.
... Voilà, pour l'essentiel...
Mais je tiens à le préciser : cela est dans ma manière d'écrire et n'engage que moi...

...Je pense qu'il faut y voir là une forme d'incohérence naturelle, chez moi, souvent volontaire ou intentionnelle...
Partir d'une idée de base sous la forme d'une image et garder tout au long du récit ou de l'histoire la même ligne imagée, serait, certes, plus logique, plus conforme, et gagnerait de toute évidence en lisibilité...
Le problème chez moi, c'est que de l'idée originelle, et donc de l'image utilisée, vient parfois sans transition, soit en digression, soit en seconde partie du texte, une réflexion... Et que par la réflexion, j'entre alors dans le réel ou dans le vécu... Ou dans le ressenti.
Autre remarque : je suis assez brouillon, assez désordonné, et souvent dispersé dans une pensée qui ne cesse de s'élancer en plusieurs directions, ou sur des chemins se rejoignant, se cotoyant ou se croisant... Sans doute parce que je sens qu'il peut exister un lien entre tous ces fils de pensée...
Quoi qu'il en soit, c'est bien dans cette forme là, qui est la mienne (mais souvent déconcertante pour un lecteur "lambda", pour un lecteur "averti", pour un esprit critique développé)... Que je me sens, disons, le plus libre...
Un dernier détail : outre les guillemets, j'emploie aussi très souvent les points de suspension (...) Notamment lorsque je me lance dans une phrase relativement longue ou que cela ait un rapport avec un rythme, une respiration... Ou une forme d'hésitation, de réserve que je souhaite exprimer de la sorte...