Je veux évoquer ici un petit ( par la taille!) livre de Junichiro Tanizaki : Eloge de l'ombre.
C'est une réflexion sur l'esthétique traditionnelle japonaise qui me semble offrir quelques clés sur le cinéma de ce pays. En effet, trop souvent, nous regardons les oeuvres étrangères avec notre regard ce qui pour être une évidence n'est pas la seule façon de procéder. Il peut être en effet intéressant de connaître ou du moins d'approcher les conceptions de départ, la philosophie esthétique sous-jacente à une oeuvre.
Un exemple, ce livre analyse l'opposition du noir et du blanc d'une façon radicalement différente de la nôtre. En occident le noir et blanc est auréolé par une philosophie de l'ascèse teintée du passéisme de l'âge d'or. La couleur serait plus ludique et donc moins pure et surtout moins élevée. Le reste, c'est-à-dire les considérations sur la prétendue supériorité graphique ( une idiotie contredite par l'histoire de la peinture toute entière!) ne sont que des considérations annexes.
Au japon le noir et blanc se réfère au théâtre d'ombres chinoises et plus largement à la primauté de l'ombre sur le clair, du mat sur le brillant, de l'obscur sur ce qui est éclairé. Tanisaki donne l'exemple suivant: En Europe on astique l'argent pour en souligner la brillance, au japon c'était* une faute de goût d'en faire disparaître la terne patine!
"C'était" car le Japon moderne a adopté nombre de conceptions occidentales.