Entre “Pétété” et Remington d'une part ; et “i-phone” et les ordinateurs d'autre part...
Du temps où la Poste s'appelait Pétété, du temps où l'on câblait de Panama à son banquier en Europe, du temps où les écrivains tapaient leurs romans sur des Remington, du temps des routes bombées bordées de platanes, du temps où l'on payait le pompiste et l'on réglait sa note d'hôtel avec des billets de banque, du temps des routes nationales et des carrefours en croix ou en patte d'oie, du temps où l'on s'embarquait au Havre ou à Cherbourg pour se rendre en Amérique... Le monde était coupé en deux : les pays de l'Est d'un côté, à économie socialiste et collectiviste, avec le grand géant soviétique ; et les pays de l'Ouest de l'autre côté, avec les Etats Unis d'Amérique, super puissance industrielle et technologique...
Mais si le monde était coupé en deux, il était aussi dans une autre partie “encore en jaune clair, en bleu ou en violet ou en vert ou en blanc et aux frontières en pointillé”, une mosaïque de territoires purement géographiques et ethniques généralement occupés, colonisés et exploités par les pays de civilisation Européenne et judéochrétienne...
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Ce temps là, celui de la Poste “Pétété” et des “Remington” et des deux blocs de l'Est et de l'Ouest ; prit fin à la chute du mur de Berlin... L'on peut dire (c'est ce que je dis) que la date du 9 novembre 1989 est comme le premier janvier d'un “an Zéro”, date à partir de laquelle le monde commence à être différent : le monde de l'Est et le monde de l'Ouest désormais se fondent en un seul et même monde économique et social ; la mosaïque de territoires “en jaune clair, en bleu ou en violet ou en vert ou en blanc et aux frontières en pointillé”, déjà devenue une constellation de pays nouveaux avant la fin du “monde d'avant”... se structure peu à peu en vastes ensembles ou espaces économiques et politiques...
Ce temps là, celui d'avant la chute du mur de Berlin ; avait été précédé par celui de la Poste à cheval, des diligences et des bateaux à voile... Lui-même précédé encore, ce temps là, par d'autres temps...
Mais l'on peut dire – pour simplifier – que tous les temps situés avant les années 90 du 20 ème siècle, sont “L'Ancien Monde”...
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Il y avait eu au 15 ème siècle déja, une “révolution technologique” quasi universelle du moins dans le monde d'alors, celui de la civilisation des peuples d'Europe : l'invention de l'imprimerie...
L'on peut dire de nos jours (fin 20 ème – début 21 ème siècles) qu'une autre “révolution technologique” d'ampleur universelle voit le jour et se développe rapidement : celle du téléphone mobile, d'internet, de l'informatique et du numérique...
Il y a une singularité, une dimension nouvelle dans l'émotion, dans la pensée, dans la réflexion et dans la relation humaine... et quelque chose de tout à fait unique, exceptionnel... À être de ces générations “d'entre deux mondes”... Pour celui ou celle d'entre nous, de ces générations, qui en ressent au plus profond de lui-même la portée, les effets et les bouleversements dans sa vie personnelle et tout autour dans le monde... Ces générations dont les toutes premières sont celles des gens nés entre 1930 et 1940 environ , et dont les suivantes sont celles des gens nés entre 1950 et 1980...
Car ce sont là des générations qui auront connu dans une partie de leur vie plus ou moins longue, dans leur enfance pour les dernières, “l'Ancien Monde”... Et auront donc été “imprégnées” de la culture du 20 ème siècle tout en se trouvant confrontées selon leur diverses sensibilités, aspirations et rêves, à la culture émergente du “Monde Nouveau”...
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Les générations qui viennent, celles des nés aux alentours de l'an 2000, puis celles qui suivront, n'auront donc rien vécu par elles-mêmes de ce qui fut “l'Ancien Monde”... dont elles n'auront connaissance que par les documents (imprimés ou numérisés) , les images et videos et films, les livres, ou encore par la parole, par le récit des anciens (de plus en plus vieillissants)...
Avant les années 90 du 20 ème siècle, il y avait toujours eu comme une “continuité” : les époques se succédaient sans qu'il ne vienne jamais quelque rupture brutale ou quelque transformation radicale dans l'ordre économique, traditionnel et social, ou même familial... Les différences d'une époque à l'autre, n'étaient perceptibles que graduellement et selon des modes de vie évoluant avec les progrès de la science, de la médecine, des découvertes de nouveaux pays ou espaces géographiques, et de la technologie, des moyens de locomotion et de transport... Il y avait seulement eu à partir du 19ème siècle, une accélération dans la continuité, une continuité qui demeurait quoiqu'il arrive, la caractéristique essentielle de “l'Ancien Monde”....
Nos générations actuelles, celles des gens nés à partir de 1930/1950 et jusque vers 1980, sont les témoins directs et vivants de cette rupture – ou de cette “fracture” même – à partir de laquelle se disperse en fragments épars cette ligne de “continuité” : l'on sent bien qu'il n'y a plus de continuité, mais deux “lignes” nettement séparées, profondément différentes dans leur tracé...
L'on pourrait voir aussi, comme deux mondes, deux “Terres” qui seraient entées en collision, se seraient imbriquées l'une dans l'autre. Du bord de la Terre qui surplombe l'autre Terre, le promeneur (ou voyageur) aperçoit devant lui depuis tout en bas de la fracture, un immense paysage qui à première vue, ressemble au paysage se déroulant derrière lui du côté de la Terre qui surplombe... Mais un vertige, peut-être une sorte d'angoisse, et en même temps, comme une nostalgie, s'emparent du promeneur... qui plus jamais, ne pourra désormais poser son pied sur le sol “d'en bas”... Car il n'existe pas de “chariot volant” pour se rendre sur la “Terre d'en dessous”... Il n'y a plus que la vue dans l'immédiat, depuis le bord en haut de la fracture, et il ne restera que le souvenir, ensuite, de cette vue... puisqu'il faudra bien suivre l'une ou l'autre de ces routes de la Terre qui surplombe...
Ainsi est l'homme ou la femme, quelle que soit sa condition, né autour de 1930 ou jusque vers 1980, tel ce promeneur ou voyageur soudainement “décalé” d'une “Terre” à l'autre...
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Les artistes, les écrivains, les penseurs et les poètes des générations actuelles ont sans doute en tant que témoins, observateurs et créateurs d'oeuvres littéraires ou autres, une grande responsabilité dans la mesure où ils doivent désormais transmettre alors que le fil de la continuité est rompu, et que se posera sans doute la question d'une forme nouvelle de continuité jusque là inconnue et encore inconcevable... ( serait-ce un espace aux dimensions non perceptibles, aux repères mouvants , un espace dans lequel le temps -passé, présent, futur – n'aurait plus de sens ? )...
Je pense aussi à ces très grands écrivains et auteurs du 20ème siècle, nés après 1910 et décédés avant 1990, dont certains d'entre eux seraient aujourd'hui très âgés s'ils avaient vécu : quel aurait été leur regard, comment aurait évolué leur pensée, et comment auraient-ils intégré dans leur vie, la fin de leur vie, ces nouvelles technologies de la communication, du téléphone mobile, du numérique, de l'informatique et de l'internet?
D'autres très grands écrivains ou romanciers nés à la fin du 19ème siècle, du fait qu'ils auraient passé cent ans en 1990 ou 2000 et sont donc forcément morts avant, “ratèrent” de peu si l'on peut dire le “Nouveau Monde”. Mais qu'avaient-ils imaginé, pensé, de ce que pouvait devenir le monde, par exemple dans un moment de solitude, lors d'une promenade en forêt, ou avant de s'endormir le soir ou en se réveillant le matin?