La porte des hommes mondes.
Au commencement… Dans les embruns… La première impression fugace
Contrée des artifices
A la frontière des certitudes
Palpite la machine utopie…
Elle va sillonner les pentes du tangible.
Au centre de la voie étroite
Quatre gardiens veillent …
Et ma malle de chimères subit la fouille méthodique…
Moment de doute…
J’échappe à la pesanteur
No man’s land des ivresses
Mes yeux parcourent l’horizon
Et distinguent une lueur lointaine
Moment de désarroi…
La perspective se brouille
Détalent mes illusions
Ultime pensée nostalgique
Pour l’ancienne terre
Mes amours, mes amis investissent les quais vaporeux
Ombres dansantes et aériennes
Ultime regard en arrière
A-t-elle hurlé la sirène du départ ?
Odeur de pluie
Les rails s’enfoncent dans la colline
Tendent leur vigueur mécanique
Et laisse entendre leurs chants hostiles
Odeur de terre
Une fanfare spectrale sur la place des ténèbres
Mes yeux cherchent d’autres yeux
Mon voyage est singulier
Destinations inaudibles d’une gare inconnue…
Odeur de sang
Dans un claquement de bottes
Se fige la machine barbarie
Dans le souffre du ciel
Chaque minute je contemple la face du destin
Métal, huile chaude, sifflements et vapeurs
Au carrefour de mes mémoires éreintées
Tous les visages s’effacent pour ne me laisser
Que le tien
Fin des temps
Quelques tours de roues grinçantes
Arrêtez-vous nuages…
Sur l’ancienne terre,
Peintres, sculpteurs, modeleurs du réel
Défilent trois par trois en procession muette
Laissent leurs cœurs à la consigne
Tous sont dans le ventre de la machine bestiale
Odeur de folie
Sur l’ancienne terre,
Ne subsistera que l’ombre d’un espoir
Sans sursis…
Souvenirs éphémères
Une chanson d’amour un soir de juillet…
Chaïm Soutine est laminé
Pour avoir entrouvert la porte des hommes mondes
Max Jacob le suit, ses couleurs ternies, son regard arraché…
La machine adore le gris des cendres et le brun des chemises…
Sur l’ancienne terre il y a des enfants
Le chroniqueur s’endort épuisé mais paisible
Affûte sa plume mais rêve à des demains
Invente en songe un monde débonnaire
Avec des chats dodus et des trains de vacances…
Sur l’ancienne terre
On n’écrit pas ordre nouveau mais frère d’aventures
Et l’on se soucie de l’infiniment simple
Le soleil
Un sourire
La douceur d’une main…
Au terminus… Dans les exhalaisons… Le dernier sentiment d’angoisse
Je serre dans ma main le petit mouchoir bleu
Les flammes couvrent les certitudes
La machine Moloch siffle un air ignoble
Que restera-t-il de l’ancien monde ?
Métal, huile chaude, sifflements et vapeurs…
Tous les visages s’effacent pour ne me laisser
Que le tien
Sur les hommes mondes, les femmes univers, la porte s’est refermée…