Je termine à l'instant la lecture de L'IDENTITÉ de Kundera, dont j'avais déjà lu et brièvement commenté ici LA LENTEUR.
Je suis autant convaincu et emballé par ce deuxième roman que par le premier. J'ai retrouvé le même style coulant et limpide et surtout la même lucidité, la même intelligence dans la façon d'aborder et de commenter les actes, les événements, les comportements, les pensées.
Tout comme LA LENTEUR s'intéressait à la lenteur, L'IDENTITÉ est un roman qui se penche sur... l'identité, ben tiens! Avec Kundera, pas de titre mystérieux. Pas d'intrigue longue et compliquée non plus, l'histoire est toute simple, ce qui ne l'empêche pas d'être riche de sens (et de surprises).
Et puis, ce que j'aime particulièrement chez Kundera, ce sont les réflexions qu'il ouvre, non pas par la voix d'un narrateur omniscient qui imposerait sa vision des choses, mais par l'intermédiaire de ses personnages dont certaines pensées nous sont livrées.
Je vous livre deux extraits en guise d'illustration :
Page 171 (dans l'édition folio):
Chantal le regardait avec délectation : il parlait non pas comme un donneur de leçons, mais comme un provocateur. C'est ce que Chantal aime en lui : ce ton sec d'un homme qui change tout ce qu'il fait en provocation, dans la tradition sacrée des révolutionnaires ou des avant-gardistes; il n'oublie jamais "d'épater le bourgeois", même s'il dit les vérités les plus conventionnelles. D'ailleurs les vérités les plus provocatrices ("au poteau les bourgeois!") ne deviennent-elles pas les vérités les plus conventionnelles quand elles arrivent au pouvoir ? La convention peut, n'importe quand, devenir provocation et la provocation convention. Ce qui importe, c'est la volonté d'aller au bout de toute attitude.
Page 180:
Leroy interrompit les fantaisies de Chantal: "La liberté? En vivant votre misère, vous pouvez être malheureuse ou heureuse. C'est dans ce choix que consiste votre liberté. Vous êtes libre de fondre votre individualité dans la marmite de la multitude avec un sentiment de défaite, ou bien avec euphorie. Notre choix, ma chère dame, c'est l'euphorie."
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"Je n'ai pas d'obligation plus pressante que celle d'être passionnément curieux". (Albert Einstein)