Je reviens d'une très belle exposition (à Bruxelles) consacrée à Jeff Wall, ce photographe canadien que j'appelle photographe constructeur. Je m'explique. La plupart des photos de Jeff Wall sont des mises en scène, des constructions d'images à partir de scènes que le photographe a lui-même vues ou imaginées, ou des scènes composées à partir de peintures ou de créations littéraires.
On a donc l'impression que le sujet est réel alors que tout est faux. Fascinant pour moi... Il fait donc appel à des acteurs ou des personnes du terrain pour composer ce que l'on pourrait appeler des compositions photographiques. Je trouve cela passionnant, car le travail de Jeff Wall est une réflexion sur le vrai et le faux, sur le réel et l'illusion du réel. Il permet de nous faire un peu réfléchir sur les rapports entre la photographie et les autres arts et sur les rapports entre les photographes eux-mêmes. À ce propos l'exposition montre aussi des photographies (des originaux) de photographes immenses qui d'une façon ou d'une autre ont influencé le photographe.
Une exposition à ne pas rater d'autant plus qu'il est rare de pouvoir découvrir les immenses photographies de Jeff Wall présentées, pour la plupart, selon son choix personnel, dans des caissons lumineux. La démarche du grand tirage (que je n'apprécie habituellement pas beaucoup, car il est très souvent une manière de masquer la vacuité de la composition !) a ici toute sa cohérence : Jeff Wall s'étant également intéressé au support publicitaire des années 70...
Je crois que tous les amateurs de très bonne photographie devraient se pencher sur cette oeuvre particulière, à la fois fascinante et conceptuelle de Jeff Wall.
Seul bémol : l'audio guide et le livret d'accompagnement, malgré leur présence indispensable à mes yeux, ne permettent pas suffisamment de comprendre en profondeur le travail de ce photographe.
« Célèbre pour ses grandes compositions photographiques, présentées dans des caissons lumineux, l’artiste canadien Jeff Wall (°1946) propose cet été une fascinante confrontation de ses œuvres avec celles d’artistes historiques et contemporains. Depuis la fin des années 1970, Jeff Wall s’emploie à donner à la photographie une place privilégiée au sein des arts plastiques, s’inspirant notamment de la peinture pour donner à ses compositions une dimension iconographique. Ces références à des jalons de l’histoire de l’art, tel que La Mort de Sardanapale d’Eugène Delacroix, qui ont marqué son oeuvre The Destroyed Room de 1978, sont bien connues et documentées.
Imaginée pour BOZAR, cette exposition originale propose de réinscrire le travail de l’artiste dans son contexte culturel et dans son univers photographique. Jeff Wall a lui-même choisi 25 de ses photographies, réalisées entre les années 1970 et aujourd’hui et les confronte à une sélection d’oeuvres d’artistes choisis avec précision et qui ont alimenté sa réflexion durant ces dernières 40 années. Rarement montrées et provenant de collections nordaméricaines et européennes, ces oeuvres sont signées Duchamp, Arbus, Atget, Wols, Gursky, Claerbout, Struth, Stella, Smithson, Graham, Wallace, Weiner. À travers un riche parcours thématique allant de la photographie historique au cinéma, en passant par la littérature et l’art conceptuel, l’artiste révèle ici son processus créatif. »