Le printemps des poètes
Comme chaque année vient le printemps des poètes… Manifestations littéraires, concours, expositions, ateliers, articles de presse, festivaux (pardon, festivals)… seront à l’honneur dans toutes les grandes régions, villes et même villages, de notre beau pays de France…
Des cohortes de « jeunes plumes »… Et aussi quelques « papy et mamys » vont expédier sous grande enveloppe, de beaux et émouvants textes poétiques, de beaux vers et de belles strophes, à quelque « Maître Baillehache » chargé de réceptionner les envois scellés et identifiés sous un numéro…(afin qu’il n’y ait point de « passe droit »)
Et bien sûr, après délibération du Grand Jury (impartial il va sans dire) sera divulguée la liste des Gagnants, des « premier prix »… Et de quelques « satisfecits »…
Ainsi nos lauréats se verront-ils gratifiés enfin, après tant d’années d’écriture sur des cahiers ou des carnets intimes, d’une « petite référence » littéraire…
Et c’est vrai que, sans références, références au sens de ce qu’il est habituel et « sacro saint » d’entendre par « références »… Il n’est point ni de chaire, ni d’enseigne, ni d’audience, ni de lecteurs, ni d’avenir d’artiste, ni de tréteaux sur la place du moindre village, fût-ce même dans le bénévolat ou dans le cadre « non lucratif » d’une association, d’une fête ou d’un spectacle populaire…
Nous ne sommes plus au temps des troubadours, des poètes de rue, des troupes artistiques qui, de ville en ville, de place en place, réunissaient les braves gens, les familles, les enfants, autour d’une petite scène improvisée… Il faut aujourd’hui, pour autant que cela soit envisageable, tout un arsenal d’autorisations (Conseil Régional, Préfecture, Municipalité…)
Autorisations qui, lorsqu’elles sont accordées, ne le sont que s’il y a « à la clef », un petit intérêt économique, social ou commerçant.
D’où la nécessité de ces « références »… Que l’on ne finit par avoir que parce qu’enfin des portes s’ouvrent.
Faut-il le déplorer ?
Faut-il se révolter ?
Faut-il préparer son esprit et son cœur à accepter qu’il n’en soit qu’ainsi ?
Si tu es âgé, disons, de 20 à 30 ans, tu as devant toi toutes ces années de travail d’écriture (ou de toute autre forme d’art) pour espérer qu’un jour vienne où les références seront là, celles qui te feront exister…
Mais si tu es « blanchissant », un peu « rassis »… Enfin, d’âge mûr comme on dit… Et si tu as passé toute ta vie dans l’écriture, la poésie, la peinture, la musique… Sans jamais courir après ces sacrées références, alors, si tu « entres dans le jeu »… A quel âge seras-tu armé d’un « bagage » ?
A 90 ans, sur une chaise roulante et te faisant pipi caca sous toi, devant les yeux émerveillés, le sourire angélique et la sincère émotion d’une jolie dame ou demoiselle ?