Bonjour!
Ce forum m'intéresse énormément!
En effet, je m'essaie à l'écriture (pour mon loisir), mais je rencontre certains soucis.
Voici le début d'une de mes nouvelles.
Mon problème est que j'ai tendance à tomber dans le stéréotype.
Auriez-vous des conseils à faire connaitre pour éviter des situations comme celle-ci?
Un grand merci pour votre attention!
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Crios passait ses après-midi à admirer la chaine des informations. Celle-ci relatait la guerre en cours à l'aide de nombreux reportages. Il observait la chute des obus qui labouraient le sol, volaient en éclats et lacéraient les corps. Il se gavait de tableaux de charpies éparpillées et d'hémoglobine ruisselante. Parfois même un agonisant apparaissait à l'écran. Alors Crios exultait. Ou plutôt il était fasciné. Fasciné qu'un type ait des convictions patriotiques, qu'il s'engage dans une armée, et accepte d'être envoyé loin de chez lui vers une mort plus ou moins certaine. Intrigué que cet homme, jusque là confiant, émette enfin une lueur de lucidité avant de rendre l'âme. Sidéré aussi qu'à leur retour ses lambeaux de viande soient traités avec les honneurs. Surtout que tout ce manège avait pour origine un motif classique, et donc a priori négociable: la possession d'un territoire riche en ressources énergétiques. En l'occurrence le secteur des colonies d'Eris, que se disputaient les nations de Nyx et d'Erèbe. Depuis quelques temps, Crios avait pris goût à ce spectacle d'autodestruction et espérait qu'il ne finisse jamais. Il se disait que tant qu'il y aurait un os à ronger, les chiens continueraient à s'entretuer. Quel que soit le camp touché, ce cirque enivrant offert par les chaines nationales le divertissait.
Une fois sa soif de sang étanchée, Crios sortait et buvait. Il gesticulait sous les éclairs des stroboscopes, baigné de sons saccadés et tonitruants. À l'occasion, il s'immisçait dans les bagarres, quitte à les provoquer. Puis il abordait une quelconque fille à la conscience embrumée par les vapeurs de l'alcool, et la prenait. Finalement il rentrait chez lui, s'affalait sur son lit jusqu'à ce que sa soif de sang le réveille.
Ce jour-là, Crios dut partir en mission. Lui n'était pas légionnaire mais espion. Le briefing fut simple et concis: il devait profiter d'une attaque de diversion pour se diriger vers une base ennemie, qu'il survolerait et photographierait avant de revenir.
Etonnamment, l'adversaire était déjà au rendez-vous. La bataille put commencer aussitôt et Crios s'orienter vers l'objectif défini. Les liaisons radio se coupèrent. Il entra dans un espace que lui seul connaissait, un autre terrain de jeu. Il en connaissait les règles, respectant les unes et contournant les autres. Il se targuait du pouvoir de metteur en scène. Pour que le spectacle continue, ce marionnettiste avait décidé de pimenter l'action. C'est pourquoi il ne se dissimula pas à l'approche de la base. Il communiqua même son arrivée et fut accueilli comme un confrère par un légat.
Crios connaissait bien le légat Briaré. Lors d'une de ses précédentes missions, le vaisseau de Crios avait été froissé par une salve de projectiles nyxéens. Ce qui l'avait contraint à se poser en territoire ennemi. Il avait été promptement localisé et emmené auprès de l'émissaire. Au lieu de le faire fusiller, Briaré lui avait livré un appareil dans sa cellule, un récepteur radio. Ainsi Crios avait compris qu'aucune recherche n'avait été entreprise pour le trouver. Son dossier avait été rapidement classé. Se sentant trahi et abandonné, il avait accepté le marché que Briaré lui avait suggéré: tant qu'il fournirait des renseignements, les balles l'éviteraient. Ecoeuré par l'attitude des siens et l'absurdité de ce monde, il était devenu désinvolte et cynique. Par ailleurs, une douce folie lui fit se considérer comme un farceur. En mêlant astucieusement vraies informations et contrevérités, il gardait son crédit tout en continuant à jouer. Crios et son engin étaient réapparus à Erèbe, à l'étonnement général de ses compatriotes.
Après un bref conciliabule, Crios remit donc des documents à Briaré. Ceux-ci contenaient les plans des nouveaux vaisseaux d'Erèbe. L'émissaire lui proposa de partager son repas. Crios dut refuser: il était attendu et il avait déjà perdu beaucoup de temps. Il remonta dans son engin et photographia les zones exigées par son état-major. Peu de temps après, l'opération de diversion put prendre fin et les chasseurs se disperser.
À chaque retour au vaisseau amiral, Crios se murait dans ses appartements personnels. Il devait occulter ses émotions des évènements qu'il venait de vivre. Toutefois, des soupçons s'éveillèrent chez un de ses collègues, Coeos. Il était parvenu à déceler l'humeur joyeuse et muette de son camarade. Au début, il prit ce comportement pour la satisfaction du devoir accompli, ou bien la joie d'avoir échappé à une mission périlleuse. Mais il y avait quelque chose de plus étrange. La durée de ses missions augmentait, à croire qu'il trainait.
Quand Crios fut apaisé, il se dirigea vers la cafétéria. Il engloutit la chaude mélasse qu'on lui servit. Puis il se rendit dans le salon des officiers. La télévision claironna les récents exploits des fils de la patrie et conspua les vils adversaires. Puis il exécuta quelques exercices routiniers à la salle d'entrainement. Enfin, il prolongea sa soirée accoudé au bar.
Le surlendemain, une nouvelle expédition fut arrangée. Dès qu'il fut apprêté, Crios participa à l'habituel briefing. Il fut surpris qu'on l'affublât d'un partenaire de mission: Coeos avait demandé à être de la partie. Crios ne serait pas seul. Voilà qui contrecarra ses plans. En outre, il ne put contester les décisions de ses supérieurs. Pourrait-il se présenter à Briaré? Il en douta et dut se résigner à jouer le rôle du parfait serviteur érébéen. Tant pis, il s'expliquerait avec l'émissaire une autre fois.
Bientôt les appareils de Crios et de Coeos pénétrèrent en zone ennemie. Il fallait explorer un territoire un peu plus au nord. C'était une région forestière assez touffue. Soudain, un chasseur nyxéen surgit. Crios ne connaissait pas ce type d'engin. Il les pourchassa. Ils décidèrent de se séparer afin de semer l'ennemi. Une aubaine que le chasseur ait choisit de talonner Coeos. Malheureusement pour ce dernier, son poursuivant était muni d'un nouveau modèle de canon. Coeos et son avion furent pulvérisés en plein vol. Pendant ce temps, Crios avait réussi à se défaire tant de l'attention du chasseur que de celle de son état-major. Se rendant chez Briaré, il aperçut un secteur industriel dont le légat ne lui avait jamais parlé. Ainsi, il n'était pas le seul à duper. Cela corsait le jeu.