La disparition des bonnes librairies en Belgique...

C'est une hécatombe. C'est gravissime. Les finances ne suivent plus. Les prix des locations deviennent exorbitants (les propriétaires et promoteurs sont parfois très requins). On préfère acheter, comme dans la Galerie de la Reine, des pralines Marcolini, des sacs Delvaux, des montres Rolex... Ou on préfère acheter sur Amazon, gros destructeur. Ou en préfère acheter dans des librairies bobo style Filigranes où l'on vend aussi des morceaux de tarte à cinq euros... car on s'y intéresse surtout à la vente et donc au profit. Entre parenthèses Filigranes dont le patron aime jouer à l'autre requin (il a aussi de l'argent et donc on s'installe aussi ailleurs, sans fin : c'est ce que j'appelle l'étalement fier du prédateur !). Filigranes, immense librairie qui est surtout le lieu du Dieu Finance : le seul but étant de faire du chiffre d'affaires. Filigranes, perpétuellement sponsorisée par les médias belges de la télévision... bizarre hein ?!!!

En juin 2015 disparaît la librairie Libris,  près de la Porte Louise, magnifique temple de la culture, librairie-culte de mes vingt-cinq ans... Amabilité et surtout compétence étaient au rendez-vous... On ne vendait que des livres. On était passionné. On y avait de la vraie culture et non une culture de surface étalée dans certaines librairies (je pense notamment à la chaîne Club).

En 2016 est en train de disparaître le fleuron de la librairie artistique en Belgique, la Librairie des Galeries (que l'on appelait aussi La libraire des Arts), dans la Galerie de la Reine, près de la Grand Place. Je devais y exposer, dans une mignonne galerie, en octobre 2015, mais le locataire Flammarion ne peut/veut plus payer des prix de location excessifs, surtout quand le marché de la culture du livre disparaît dans cette Galerie, de plus en plus dédiée au luxe, où l'on découvre désormais davantage les richissimes acheteurs (surtout étrangers) que des amateurs de la culture. Encore une Galerie où le propriétaire demande des prix de location exorbitants... Marcolini et Delvaux peuvent payer eux...  Je ne parle même pas du nouveau piétonnier qui vient d'être créé, pas loin de là,  à la va-vite sans réelle consultation de tous les commerçant (piétonnier inutile et destructeur des commerces : des faillites sont prévisibles et  le chiffre d'affaires baisse parfois de plus de 50 %).

En 2015, disparition de la très bonne librairie Calligrammes à Wavre... La seule librairie de qualité dans cette ville.  On peut lire ceci sur leur site : «  Fragilisés par les mutations du monde du livre et un tissu urbain en déclin, nous avons décidé de clôturer nos activités. ». Ne reste dans cette ville que le Club, c'est-à-dire pas grand chose !

J'apprends que la librairie Agora de Louvain-la-Neuve est également en mauvaise posture... Louvain-la-Neuve, ville universitaire sans livres ? Ce serait surréaliste, mais plus rien ne m'étonne !

Bref, la situation est grave. Je n'ai cité que quelques librairies qui ont traversé mon parcours de vie, mais il y en a plein d'autres...

Ne resteront que des mastodontes, ceux où j'ai décidé de ne pas acheter ou d'acheter de moins en moins, car je  crois encore aux vertus des achats dans mes librairies plus locales...

Et pas qu'en Belgique!!!! C'est général semble-t-il, les librairies historiques remplacées par des boutiques nespresso ou autres.

Effectivement, c'est un phénomène triste et qui se généralise. Tu as mis le doigt sur une des causes. La vente sur Amazon et autre site en vogue. Une grande partie des gens n'ont plus le temps d'ouvrir une porte de librairie, même par hasard - alors que leur temps passé sur internet à sauter d'une page à l'autre, comme d'un coq à l'âne (donc souvent de façon un peu hasardeuse) les effraierait sans doute si on l'additionnait à la fin de la semaine. Et puis l'apparition des liseuses a certainement aussi contribué dans une moindre mesure à ces fermetures malgré toutes les études que l'on peut sortir sur le recul de leur vente.
On préfère donner aux ogres (Amazon, FNAC...) plutôt que nourrir les poucets. Ces ogres qui souvent ne diffusent et ne mettent en avant que la valeur sûre à la vente. La médiocrité grand public, ce qui ne les empêche pas d'avoir de bonnes choses disponibles. Parfois, on ne peut pas faire autrement.
Nous avons certainement déjà eu ce débat ici.
A chaque retour en France, je le déplore. Je me nourris chez les bouquinistes que je connais, mais j ai aussi vu quelques bonnes petites librairies fermer leurs portes ces dix dernières années (à Lille).

La nostalgie, camarade !

Je suis en partie responsable de la disparition des petits libraires puisque j'achète tous mes livres ou presque sur Amazon. Et avant j'allais à la FNAC.

Hou le vilain ! Mais pourquoi donc fait-il cela ?

Peut-être parce que c'est vachement pratique ?

Peut-être aussi parce que je trouve toujours tous les livres que je cherche sur Amazon, y compris les ouvrages épuisés que je trouve alors en occasion ? Alors que jadis quand j'achetais en librairie, une fois sur deux je devais commander, et donc me déplacer deux fois.

Peut-être enfin parce que je suis convaincu qu'on ne peut rien faire contre ce type d'évolution-là ? Internet a changé le monde à tout point de vue, rien ne sera plus jamais comme avant, et ça ne fait que commencer. Des métiers disparaissent, d'autres naissent. L'homme du XXIème siècle cherche ses conseils de lecture sur Internet, plus chez un libraire.

C'est dommage? Oui, sûrement, pour ces libraires et ceux qui les fréquentaient.

Cela va appauvrir la culture ? C'est possible, on verra, la mienne ne s'est pas appauvrie depuis que j'achète mes livres sur Internet. Et les jeunes, il paraît qu'ils ne lisent plus, alors libraire ou Amazon, quelle différence pour eux?

Allez-y, traitez-moi de tous les noms, je sens que vous en avez envie !

François a écrit:

Peut-être parce que c'est vachement pratique.

Dans le fond en parlant exclusivement d'Amazon plutôt que de la disparition des librairies, tu connaissais à l'avance le point de vue de la plupart des interlocuteurs. D'autant qu'on a déjà discuté plus de dix fois d'Amazon !!!

Parce que c'est vachement pratique, parce que c'est facile...

Toute ton argumentation est exactement celle contre laquelle je me bats.

C'est parce que c'est pratique que 80 % de belges utilisent Tax On Web sans réfléchir au plus grand intérêt de la formule papier...

C'est parce que c'est pratique que les gens achètent le dernier gadget à la mode...

C'est parce que c'est pratique que les gens achètent ceci ou cela dans tel ou tel endroit.

Les gens ne réfléchissent plus. Ils cherchent la facilité et ne pensent pas plus loin que le bout de leur petit nombril à dorloter !!!

Ah ! Oui, c'est vrai : il faut encore se déplacer dans une librairie et savoir ATTENDRE quelques jours de plus que chez Amazon !

Eh bien non ! J'utilise très rarement Amazon, car je pense encore à ma libraire et si tous les gens faisaient comme cela le monde changerait un peu. Les gens ne sont, pour la plupart, que des petits individualistes bourgeois...

Je pense, François, que tu n'as bien compris le système Amazon et que tu n'as pas vu les quelques reportages sur cette société qui détruit le monde des libraires. Mais comme je l'ai écrit plus haut Amazon n'est pas la seule cause de la disparition des bonnes librairies.

Jipi, je ne parle pas exclusivement d'Amazon, j'ai donné trois raisons mais tu sembles n'avoir lu que la première.

Je ne souhaite pas reprendre ici les arguments éculés mais réagir sur une expression : une bonne librairie.

Ce qui implique qu'il en existe de moins bonnes voire mauvaises !

Eh bien oui ! Grand lecteur que je suis je ne résiste pas à entrer dans une librairie inconnue. Combien de fois ai-je découvert certes des livres mais aussi une personne dite libraire somnolant derrière une caisse ( prête à fonctionner cependant) ou très occupée à toutes sortes d'activités autres que tenir compte de ma présence.
Parfois cependant le ou la libraire m'interroge " vous cherchez quelque chose? " et là je tente d'ouvrir une discussion. Mais bien souvent la discussion tourne court car la personne ne connait des livres que l'argumentaire des distributeurs. Ils ne peuvent TOUT lire direz-vous. Certes mais ils peuvent lire au moins un peu car sinon comment peuvent-ils conseiller?

Car tout est là. Ce qui sépare Amazon d'un bon libraire c'est le conseil, la discussion possible. Si cela n'existe pas alors Amazon fait très bien l'affaire.

Reste la posture "morale" discutable d'Amazon. Dans ce cas  il ne faut pas acheter de voiture, d'ordinateur, d'énergie, il ne faut RIEN acheter !  

Je pratique à Orléans une excellente librairie ( Les Temps modernes) et je suis certain que François aimerait beaucoup y acheter ses livres, mais aussi y bavarder et découvrir. Je crois même qu'il consentirait à patienter pour ses commandes comme je le fais ( moyenne d'attente: deux jours)

Jean-Pierre Poccioni a écrit:

JReste la posture "morale" discutable d'Amazon. Dans ce cas  il ne faut pas acheter de voiture, d'ordinateur, d'énergie, il ne faut RIEN acheter !

Je suis arrivé à la même conclusion, hélas.

Jean-Pierre Poccioni a écrit:

Je pratique à Orléans une excellente librairie ( Les Temps modernes) et je suis certain que François aimerait beaucoup y acheter ses livres, mais aussi y bavarder et découvrir. Je crois même qu'il consentirait à patienter pour ses commandes comme je le fais ( moyenne d'attente: deux jours)

C'est bien possible en effet. Mais note que je bénéficie déjà d'excellents conseils sur Passion des Mots. Et c'est ça l'évolution inéluctable dont je parlais : de plus en plus de lecteurs cherchent des avis et conseils sur internet (sur les forums, les blogs, les sites de vente en ligne où les lecteurs peuvent laisser des commentaires, etc...) et ressentent dès lors moins le besoin de discuter avec un libraire. Je le répète, c'est très dommage pour les petits libraires mais je ne pense pas que leur disparition aura une influence déterminante sur l'avenir du livre et de la lecture.

A la réflexion, je ne suis pas sûr non plus que les petits libraires vont complètement disparaître. Nous sommes dans un monde diversifié, les attentes des uns et des autres ne sont pas les mêmes et je pense qu'il y aura toujours une certaine demande - sans doute assez limitée - pour le type de service qu'apportent les petits libraires, du moins ceux qui offrent une réelle valeur ajoutée, comme tu l'expliques bien ci-dessus.

La librairie n'est pas le seul domaine où la solution est dans la valeur ajoutée. Dans ma ville les commerces dits " de bouche" qui marchent le mieux sont ceux qui garantissent la qualité des produits.

Donc les libraires ( je laisse de côté l'expression "petits") doivent impérativement proposer quelque chose autour du livre. Une bonne librairie est un lieu de culture où l'on peut passer y compris sans rien acheter, pour dire bonjour, regarder les étals et échanger sur telle ou telle lecture.

Amazon vend tout mais s'intéresse surtout aux grosses ventes, celles qui engendre des gros bénéfices. Pour le reste c'est un catalogue dans lequel chacun peut puiser. Or toute librairie offre la même chose et souvent dans des délais identiques. Sur la totalité des livres que j'achète dans ma librairie la moitié est constituée de livres commandés. Souvent je commande par mail, reçois un mail qui me dit que le livre est arrivé et je passe le prendre.
Pourquoi Amazon dans ce cas ? Les ouvrages épuisés ? C'est si fréquent?

Faut-il qu'Amazon et les liseuses soient seuls responsables?

Pour ce que je vois chez moi, ce sont surtout les hausses des tarifs locatifs, pas amazon ou les liseuses, qui forcent les libraires à fermer boutiques au profit des grandes enseignes de téléphone ou capsules de café; cela touche toutes sortes de boutiques, pas que les librairies.

Les liseuses, certes pas, car presque tout le monde s'en moque et leur impact est dérisoire  (le livre électronique n'était même pas présent au salon du livre de Paris, c'est dire l'importance de ce secteur!)  

Les loyers sont une des causes mais qu'il est impossible de ne pas mettre en perspective avec la baisse des ventes et donc la concurrence d'Amazon !