J'aime cette phrase

écrite par une journaliste de La Libre :

« Scénario stupide mais forme qui en jette, et ça, c’est un signe de la fin du monde. »

Elle fait allusion à certains films médiocres sortis récemment. Un débat intéressant en vue ?

Terrible débat en vue !!!

Cette citation m'évoque le film "Révolver" de Guy Ritchie, le film le plus mauvais que j'ai jamais vu.
Rien que pour ça, je le conseille. On peut privilégier la forme aux dépens du fond, mais dans certains cas, flotte comme une odeur d'arnaque.

Tout à fait d'accord Gosayn avec l'idée d'arnaque...

Il y a de grands bonshommes comme David Lynch qui offrent une forme percutante de nouveauté, mais en même temps derrière tout cela il y a une force symbolique exceptionnelle.

Dans toutes les formes artistiques actuellement l'on observe cette obsession du paraître, de l'esbroufe... vides de contenu. Pour percer il faut paraître.

On est donc très éloigné de l'authenticité du travail artistique quelle que soit la recherche formelle.

Selon ma propre lecture, cet état de fait n’est qu’un symptôme parmi un tas d’autres, d’une maladie qui ronge notre société contemporaine, à savoir la désertion de l’intériorité au profit de démonstrations extravagantes qui provoquent des sursauts d’intérêt pour donner un peu de piment à la vie.
A cela s’ajoute le fait que nous sommes gavés d’images et d’objets, ce qui crée l’impression illusoire d’avoir tout vu et de tout connaître et engendre une société de blasés. Pour être encore capable de s’étonner, il faut être confronté à toujours plus de surenchère.
Au cinéma, trop souvent, à défaut de contenu et de sens, il faut de l’effet spectaculaire : écrans embrasés, voitures qui explosent, crash d’avions, villes détruites, sang qui gicle au ralenti, effets sonores, etc. On a perdu la dimension poétique qu’apportaient les séquences suggestives, il faut dès lors, tout montrer, se complaire dans ce qui heurte…

Je pense qu’il s’agit non pas de la fin du monde, mais de la fin d’UN monde. Vivement le suivant ! En espérant qu’après le temps du gadget, de la marchandisation, du stress, du paraître, de l'artificiel… viendra celui où on encouragera l’homme à se construire sur des structures solides, celles qui font qu’il est humain, à savoir les richesses du cœur et de l’esprit qui couvent dans son intériorité. On peut espérer.

Tout n'est pas perdu. Il existe encore un très bon cinéma, pas nécessairement le plus reconnu hélas! et il y a "passion des mots"...

"Forme qui en jette" ne signifie pas forcément explosions, et diverses amuseries du film d'action.
Le cinéma, avec ses grands écrans et son gros son, est un support adapté au spectaculaire. Certains films n'ont d'autre raison d'exister, et n'ont d'autre prétention que d'être vus en salle et procurer le même plaisir que celui que l'on ressent en grand huit. C'est du divertissement pur et dur, et le cinéma est aussi là pour ça. Divertir.
Ainsi, quand je vais voir Indépendance Days" au cinoche, je sais à quoi m'attendre, ça sera crétin, mais me collera au fauteuil.
Le procédé reste honnête, et on ne peut pas reprocher à ce cinéma-là de privilégier la forme au fond.

Citation :

Je pense qu’il s’agit non pas de la fin du monde, mais de la fin d’UN monde. Vivement le suivant !

Je partage assez cette idée !
J'aime à comparer notre époque à la décadence de l'Empire Romain. Le plaisir, le laxisme et la luxure l'emportent sur les valeurs fondamentales. Une nouvelle réalité, faite de semblant, de paraître et de reconnaissance remplace la vie réelle avec ses piliers fondamentaux.

C'est cette forme d'hédonisme qui a plonger l'Empire romain dans sa décadence. Je trouve aussi que cela sent la fin d'une civilisation mais si je ne m'abuse, le déclin de l'Empire romain a duré siècles, non ?

Cela veut dire que nous ne connaitrons probablement pas le monde suivant...

Gosayn a écrit:

"Forme qui en jette" ne signifie pas forcément explosions, et diverses amuseries du film d'action.

Bien d'accord, Gosayn, ce n'étaient que quelques exemples, sans doute discutables, puisés dans une liste qui pourrait être fort longue, et en réponse d'abord à l'idée d'esbroufe exprimée par Jipi.

Merci de m'avoir fait prendre conscience que si je n'ai jamais assisté à ce genre de projection, c'est sans doute parce que je n'éprouve aucune fascination pour le grand huit...

Je persiste à penser que si autant de films, d' émissions télévisées, de presses écrites privilégient le spectaculaire au détriment du sens, c'est à cause de la progression d'un vide culturel et, oserais-je écrire, spirituel. A entendre dans le sens le plus large de son acception.
A partir du moment où se distraire, au sens étymologique (= se tirer hors de soi) et pascalien du terme, est devenu une priorité si ce n'est le but ultime, on peut douter de la maturité de l'humanité et craindre pour son futur. La carnavalisation de l'existence dont parle Umberto Eco n'est pas l'atout le plus sécurisant pour envisager l'avenir avec optimisme.
Nous ne sommes pas très éloignés du "panem et circenses" mentionné par Jim.

Oui, ce genre de raisonnement (Jipi, Michel, Jim) est tentant mais personnellement je crois qu'il est en partie fallacieux et qu'il risque de nous mener à une nostalgie stérile.

Je pense que l'homme n'est ni plus superficiel ni moins spirituel qu'il ne l'a été jadis. Regardez tout ce que nos ancêtres ont fait, franchement... Bien sûr dans les arts, on n'a conservé que le meilleur, alors si on compare avec la merde actuelle, on se dit qu'il y a une décadence.

Je ne dis pas que rien n'a changé, mais l'homme, je pense, est, reste et restera toujours ce qu'il est : un être capable du meilleur et du pire, superficiel à mourir à ses heures, hyper profond à d'autres moments.

Ce qui a changé et qui donne peut-être cette impression de décadence, c'est d'une part la technologie qui permet des choses nettement plus spectaculaires qu'avant, et d'autre part la surmédiatisation qui rend largement publique ce qui jadis restait confiné dans des cercles plus restreints.

Plein de nouveaux films sont médiocres et vides de sens, c'est vrai. Mais puisque personne ne nous oblige à aller les voir, qu'est-ce qu'on s'en fout ! Ignorons-les et parlons plutôt des bons films.

Il y a quelques jours, j'ai vu sur ARTE "Paranoïd Park" de G. Van Sant. Pleins d'effets visuels et pourtant (très) riche de sens.

john a écrit:

Ce qui a changé et qui donne peut-être cette impression de décadence, c'est d'une part la technologie qui permet des choses nettement plus spectaculaires qu'avant, et d'autre part la surmédiatisation qui rend largement publique ce qui jadis restait confiné dans des cercles plus restreints.

Oui. Je ne pense pas non plus que cette époque soit particulièrement décadente sur le plan culturel. Il y a eu pire.

Il y a en revanche une explosion de "produits culturels" qui n'en sont pas tous malgré la confusion que l'on entretien.
Le dernier CD de Lady Machinchouetta fithuring DJ XbiDul'z, n'apportera pas grand chose sur un plan culturel, mais est vendu en tant que tel. On entre là dans le subjectif: la question de la qualité.

Je ne crois pas non plus à ce "vide culturel" mais plutôt à du parasitisme, à un trop-plein de créations musicales, graphiques, cinématographiques, de divertissements que l'on range dans une catégorie "production culturelle".

Gosayn a écrit:

john a écrit:

Ce qui a changé et qui donne peut-être cette impression de décadence, c'est d'une part la technologie qui permet des choses nettement plus spectaculaires qu'avant, et d'autre part la surmédiatisation qui rend largement publique ce qui jadis restait confiné dans des cercles plus restreints.

Oui. Je ne pense pas non plus que cette époque soit particulièrement décadente sur le plan culturel. Il y a eu pire.

Il y a en revanche une explosion de "produits culturels" qui n'en sont pas tous malgré la confusion que l'on entretien.
Le dernier CD de Lady Machinchouetta fithuring DJ XbiDul'z, n'apportera pas grand chose sur un plan culturel, mais est vendu en tant que tel. On entre là dans le subjectif: la question de la qualité.

Je ne crois pas non plus à ce "vide culturel" mais plutôt à du parasitisme, à un trop-plein de créations musicales, graphiques, cinématographiques, de divertissements que l'on range dans une catégorie "production culturelle".

Sur le plan culturel il y a aujourd'hui en effet énormément de « produits » de qualité. Une profusion même, mais malheureusement masquée par les médias qui ne mettent en avant que les courants vendeurs ou tape-à-l'oeil.
Pour découvrir cette qualité l'on doit faire des efforts de recherche dans les revues ou journaux ou émissions spécialisées...

Le parasitisme dont vous parlez à juste titre fait que les gens ne voient que la « merditude » qu'on leur offre dans les médias, car ces derniers ne parlent pas beaucoup de la qualité dont je parle. La qualité n'est pas vendeuse. Ce qui se vend est ce qui joue sur le paraître ou l'esbroufe.

Il y a bien un trop-plein de créations multiples, car aujourd'hui chacun croit qu'il a le talent de créer !!! Et il faut donc chercher les perles sous l'amas...

Jipi a écrit:

Il y a bien un trop-plein de créations multiples, car aujourd'hui chacun croit qu'il a le talent de créer !!! Et il faut donc chercher les perles sous l'amas...

C'est vrai. A charge donc de ceux qui ont encore un peu d'esprit critique d'essayer de le transmettre aux générations futures. Mais sans exagérer non plus, car c'est contre-productif. De nos jours celui qui critique tous azimuts en sous-entendant que "c'était mieux avant" passe vite pour un vieux con et on ne tient pas compte de ce qu'il dit.

Comme Gosayn, je peux apprécier un film à grand spectacle pour le plaisir des yeux ou pour la simple détente, et je suis même content que ce type de films existe. Par exemple j'ai été voir AVATAR et j'ai passé un excellent moment. Mais si je devais choisir un film pour en faire une analyse en classe avec des élèves, je choisirais un autre film bien sûr.

Il y a aussi des films qui parviennent à combiner le grand show et la réflexion profonde, et là le bonheur est total. MR NOBODY en est un exemple (même si la critique française ne partage pas cet avis, je sais...)

Bien d’accord avec certaines précisions complémentaires et judicieuses apportées par John et par Gosayn, mais lorsque j’évoque le désert culturel, je ne nie évidemment pas l’existence de somptueuses oasis, je constate seulement comme le mentionne Jipi, la portion congrue que celles-ci représentent face à la berlusconnerisation envahissante de la sphère médiatique. Il n’y a peut-être pas là une intention sournoise d’abêtir le bon peuple que nous sommes pour mieux le contrôler, mais tout se passe comme s’il y en avait une. On sait que les dictatures qui s’installent commencent par supprimer les sujets dangereux qui pensent par eux-mêmes, une autonomie favorisée de manière privilégiée par la culture.

Pour nier l’existence de cette médiocrité ambiante, on invoque communément telle ou telle émission télévisée qui semblerait la contredire, mais la proportion de tels fleurons, à côté d’émissions de téléréalité, de séries insipides ou de pseudo-débats, les maintiennent dans la catégorie des exceptions. Il suffit pour s’en convaincre d’ouvrir la télévision dix fois par jour, de manière aléatoire et avant 23 heures, sur dix chaînes différentes et pas seulement sur Arte. Dans le sillon de l’audimat, la pandémie de ces émissions contribue à la progression de la désertification et du vide culturel… dominant. Appelons-les « parasitisme » si vous préférez.

D’autre part, je trouverais dangereux de considérer que la qualité est relative à la subjectivité, ce qui reviendrait à considérer que tout se vaut. Le gros rouge capsulé se trouve haussé au niveau du Gevrey-Chambertin ou du Château Pétrus. Je sais que l’idée est aujourd’hui galvaudée et nous voyons où elle nous conduit par exemple avec l’art dit contemporain . Un bocal d’urine où Serrano a plongé un crucifix a statut d’œuvre d’art et rivalise en pertinence avec Rembrandt ou da Vinci. Mais il va de soi que chacun est libre de préférer l’un ou l’autre.

J’ajouterai seulement, car il y aurait tellement à débattre, que comparer le présent au passé ne signifie pas qu’on regrette celui-ci, il s’agit seulement, dans cette mise en parallèle, de trouver des signes par nature signifiants. Ne tombons pas dans ce piège. Par ailleurs, l’Histoire démontre que de « vieux croûtons » ont souvent eu raison face à des jeunes rêveurs. Mais l’inverse est aussi vrai.
J’ai vu et apprécié « Avatar ». Je ne classe pas ce film au rang de ceux qui se contentent d’ « en jeter ». Il s’agit selon moi d’un très bon genre populaire, véhiculant des valeurs qu’il est utile aujourd’hui de rappeler, particulièrement ces valeurs qui appartiennent justement au passé de cultures opprimées et qui sont nourries de l'idée que l’homme fait partie intégrante de la nature, par opposition à la brute qui n’y trouve que matière à exploitation inconsidérée.
Le fait que cela ait été exprimé de manière assez simpliste n’enlève rien à la réalité d’une situation qui reste tragiquement contemporaine.
Personnellement ça ne me dérangerait pas de profiter du film pour entamer un débat sérieux avec mes étudiants.

J’espère que le monde que nous construisons réintégrera, par éveil spontané ou dans l’urgence de la nécessité, ce sens du lien qui unit notre individualité au reste de l’humanité et de la planète. Peut-être sera-ce là le paradigme de l’ère qui s’ouvre devant nous après ces deux mille ans d’Histoire que nous avons laissés derrière nous et qui étaient dominés par un christianisme séculier et autoritaire.
Est-il utopique d’espérer qu’une fois dépassée cette phase de chaos économique, politique et culturel, on en vienne à harmoniser les progrès inévitables des sciences et des technologies avec le sens du sacré, c’est-à-dire la conscience de notre appartenance à une globalité qui nous intègre ?
Si nous en arrivons là, ce ne sera pas grâce à Berlusconi ni par des produits commerciaux qui se contentent d’ « en jeter », gratuitement, sans référence à ce qui fait que l’homme, pour être en accord avec lui-même, ne doit surtout pas oublier de se relier à ce qui constitue son humanité.

Magnifique réflexion Michel ! Un de ces morceaux d'anthologie qui fleurissent dans Passion des Mots...

Je la déguste avant de réagir...

Citation :

mais l'homme, je pense, est, reste et restera toujours ce qu'il est : un être capable du meilleur et du pire,

On est bien d'accord en précisant cependant que c'est toujours dans le pire qu'il est le meilleur !

Citation :

Je pense que l'homme n'est ni plus superficiel ni moins spirituel qu'il ne l'a été jadis. Regardez tout ce que nos ancêtres ont fait, franchement... Bien sûr dans les arts, on n'a conservé que le meilleur, alors si on compare avec la merde actuelle, on se dit qu'il y a une décadence.

Evidemment, il reste de la qualité aujourd'hui. Evidemment on a conserver que le meilleurdes siècles passés. Mais si l'on ne conserve que le meilleur du 21è siècle, je suis convaincu que l'on aura au final moins de qualité et moins de quantité qualitative que pour les siècles précédents, y compris le 20è siècle.

Citation :

Comme Gosayn, je peux apprécier un film à grand spectacle pour le plaisir des yeux ou pour la simple détente, et je suis même content que ce type de films existe

Je ne vais que peu au cinéma parce que justement je trouve que c'est souvent beaucoup trop cher pour la qualité de ce qu'on y propose. En fait, je trouve que le rapport qualité/prix du cinéma (en tant que lieu) est un des pires qui soit ! Mais je concède volontiers qu'il y a des films à grand spectacle qui m'ont plu et qui m'ont permis de passer de bons moments, notamment grâce à George Lucas... Mais ces films à grand spectacle je les préférais des années 50, 60 ou 70. Mieux réalisés, mieux photographié, mieux scénarisé et moins fxisés...

Citation :

nous mener à une nostalgie stérile

La nostalgie est presque toujours stérile mais ce qui m'effraie est que la créativité est aussi de plus en plus stérile !